Pourquoi le respect de la saisonnalité doit devenir un marqueur de l'artisanat

Une galette des Rois côtoie un fraisier dans la vitrine d'une boulangerie-pâtisserie artisanale. Nous sommes début mars et les repères temporels semblent avoir disparu, laissant place à une situation où il deviendrait possible de développer tout type de produit, en dehors des considérations temporelles ou saisonnières. Pourtant, malgré les effets du dérèglement climatique, il n'est pas encore possible de disposer de fruits rouges -et plus particulièrement de fraises- de qualité toute l'année. De même, les traditions demeurent essentielles pour rythmer la vie d'une boutique, avec des spécialités réservées à chaque période de l'année. Une approche qui a convaincu 33 députés à déposer mi-février dernier un projet de loi visant à interdire la vente de galettes des Rois en dehors du mois de janvier.

Utiliser des produits français pour restaurer la confiance

Dans un environnement concurrentiel particulièrement fort, les artisans peuvent perdre leurs repères et céder à la volonté de développer leur activité en répondant à tout type de demande, allant jusqu'à mépriser leurs fondamentaux. Pourtant, on compte parmi ces derniers la proximité avec les matières premières et la capacité à les sélectionner pour leur goût et leur qualité. Faire appel à des produits aux origines lointaines, c'est accroître l'impact environnemental de son activité tout en prenant le risque de faire appel à des fournisseurs peu scrupuleux quant à leurs méthodes. Les crises à répétition ont eu pour effet d'imposer aux consommateurs une forme de repli : plus que de l'exotisme, ils cherchent aujourd'hui à être rassurés, ce qui passe par un développement du "locavorisme". Selon une étude réalisée par Ipsos pour Bienvenue à la Ferme en 2014, 1 Français sur deux déclarait ne plus savoir ce qu'il mangeait. Un sentiment renforcé par les scandales alimentaires rencontrés depuis.

Affirmer son identité et ses engagements pour se différencier

Savoir dire non à une tendance ou à une commande est un acte complexe et parfois douloureux : c'est la perspective de refuser du chiffre d'affaires à très court terme... pour autant, l'effet psychologique n'est pas à négliger sur la clientèle : un artisan qui sait affirmer sa position en refusant des commandes pour des raisons objectives et justifiées affirme son identité et marque les esprits. Cela doit naturellement se prolonger par une formation adéquate des équipes de vente pour tenir un discours clair et cohérents sur les choix et engagements de l'entreprise.
Savoir dire non, c'est aussi préserver ses équipes et leur transmettre une vision engagée du métier. Alors que de nombreux salariés sont en quête de sens dans leurs activités professionnelles, il est indispensable de leur montrer que leurs actes sont orientés dans le sens de la préservation des ressources naturelles et que leur travail a un impact sur l'environnement. 
L'impact se prolonge sur la survie de la Ferme France : valoriser les productions agricoles françaises pourrait devenir un acte naturel pour les artisans boulangers, exprimant ainsi une forme de solidarité envers un maillon essentiel de la chaine alimentaire.

Enfin, participer à l'éducation du goût est devenu un effort essentiel pour reconnecter les individus à la réalité des produits. Les trois-quarts des Français déclarent connaître les saisons auxquelles poussent les fruits et légumes (source IPSOS, Baromètre saisonnier des fruits et légumes frais et de la pomme de terre, mars 2017), leurs choix de consommation ne s'inscrivent pas systématiquement dans ce sens. Le secteur artisanal peut y participer à faire changer les habitudes en respectant la saisonnalité de chaque référence et en communiquant sur les différents fruits et légumes en pleine saison. Si cela peut impliquer des efforts supplémentaires pour apporter de la diversité en terme de couleurs et de saveurs dans les périodes hivernales, c'est une bonne façon de stimuler la créativité de chacun, d'autant que des ingrédients riches en saveurs existent à chaque saison.