FILIERE
Pas de pain sans eau : comment les sécheresses vont transformer la filière
Après une année 2022 marquée une sécheresse intense et précoce, 2023 va-t-elle être encore marquée par une situation critique dans les régions françaises ? Le mois de février 2023 laisse présager de nouvelles difficultés : après plus de trois semaines sans pluie significative, les météorologues commencent à exprimer leurs craintes pour la future saison estivale.
En effet, si une telle situation a déjà été observée par le passé, c'est la conjonction de 14 mois de déficit pluviométrique avec ce manque de précipitations hivernales qui inquiète. Les nappes phréatiques pourraient ne pas être rechargées. Il ne reste plus que quelques semaines pour envisager de passer un été serein : si ces réserves ne sont pas rechargées d'ici avril, elles pourraient être vides dans quelques mois et imposer de fortes restrictions d'usage sur de nombreuses régions du territoire. Le ciel n'aura jamais été autant scruté : dès que la végétation va commencer à se développer avec l'ouverture des premiers bourgeons, l'essentiel de l'eau sera captée par les racines des plantes... ce qui ne permettra plus de recharger les nappes phréatiques.
Stocker l'eau, une solution pronée par une partie de la filière céréalière
Dès lors, la filière blé-farine-pain risque de subir les conséquences de cet épisode prolongé. Une partie de la filière agricole milite depuis plusieurs mois pour faire évoluer la réglementation sur le stockage de l'eau, afin de pouvoir irriguer les champs lorsque c'est nécessaire. Céline Imart, porte-parole d'Intercéréales, avait exprimé cet enjeu de souveraineté alimentaire dans notre numéro de septembre 2022. Sans ces outils de stockage, c'est vers les nappes phréatiques qu'il va falloir se tourner pour assurer l'approvisionnement en eau des cultures... aggravant le problème et limitant la disponibilité de la ressource pour l'ensemble des utilisateurs, qu'ils soient agricoles, industriels ou particuliers.
Vers le développement d'autres céréales ?
On estime la quantité d'eau nécessaire à la fabrication d'une baguette (d'environ 300g) à 155L. Un chiffre élevé, qui s'explique notamment par le besoin en eau lors de la culture du blé. Pour réduire l'impact de la production de pain, il pourrait être nécessaire de s'orienter vers d'autres types de céréales dans les années à venir, les sécheresses risquant de devenir chroniques sur le territoire français. Des céréales plus rustiques telles que le sorgho ou le fonio, tradititionnellement cultivées en Afrique, pourraient s'inviter dans nos fournils dans les années à venir, sans pour autant remplacer le blé de par leurs faibles aptitudes en panification. Certaines variétés dites "paysannes" de blé se révèlent également plus résistantes au stress hydrique que les références "modernes", ce qui pourra participer à leur retour en grâce, déjà entamé, dans les fournils.
Des leviers d'action à court et moyen terme
Ce sont l'ensemble des choix d'une entreprise de boulangerie-pâtisserie qui se trouvent questionnés par l'utilisation de l'eau, avec des actions à mener pour réduire l'impact de l'activité :
- mieux ajuster les quantités afin de réduire le gaspillage alimentaire et de l'eau. C'est un véritable changement de doctrine qui s'impose à la clientèle, avec le fait de disposer d'un choix plus limité en fin de journée et de pré-commander afin d'être assuré de disposer des produits souhaités ;
- construire ses gammes autour de matières premières de saison, en réduisant l'usage de produits transformés et pré-emballés, dont la fabrication utilise d'importantes quantités d'eau. Les fruits secs, le cacao ou encore la vanille sont des ingrédients dont la culture nécessite de grandes quantités de ressources, ce qui pourrait imposer de limiter leur usage dans les années à venir. Un constat qui s'applique tout autant sur les produits laitiers ou carnés ;
- investir dans des systèmes de plonge et de nettoyage plus respectueux des ressources naturelles ;
- sensibiliser ses équipes et sa clientèle à des éco-gestes visant à réduire les emballages inutiles (qui sont un poste important de consommation d'eau).