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FRANCHISE

Les réseaux inspirent la néo-boulangerie

Le terme de "néo-boulangers" a longtemps été associé à des profils en reconversion professionnelle, se lançant dans des projets de vie en rupture avec leur cursus initial. A présent, c'est tout simplement une néo-boulangerie qui s'impose sur le marché, avec des acteurs toujours plus structurés et performants, renouvelant profondément l'image de ce métier traditionnel. Elle se positionne sur de nouveaux produits et moments de consommation, capitalisant sur les larges horaires d'ouverture du commerce, tout en répondant aux attentes changeantes des consommateurs. Emplacement, expérience au sein du point de vente, méthodes de fabrication et de management... aucun élément n'échappe à ces entrepreneurs dont les enseignes deviennent rapidement de véritables success stories.

Des réseaux aux grandes ambitions, représentés au Salon de la Franchise

A l'occasion du Salon de la Franchise, qui se tiendra du 19 au 22 mars 2023 dans le Hall 1 de Paris Expo - Porte de Versailles, de nombreuses enseignes qui façonnent ce secteur seront représentées : Ange, Louise, Sophie Lebreuilly, Firmin, L'Atelier Papilles, Land&Monkeys, le Fournil Saint André, Maison Bécam ou encore Marie Blachère. Apparus il y a une dizaine d'années, ces réseaux de boulangerie ont relancé une phase de concurrence accrue dans le secteur en proposant à la clientèle du pain fabriqué sur place, leur ouvrant l'appellation de boulangerie, tout en se positionnant pour la plupart d'entre eux sur des emplacements de passage, en périphérie des villes, avec de vastes points de vente. 

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : plus de 700 boulangeries pour Marie Blachère, 230 pour Ange, 130 chez Louise, bientôt 50 pour Sophie Lebreuilly... ces enseignes parviennent à développer un maillage national et répondent aux besoins de la clientèle en offrant une image artisanale ainsi que des tarifs étudiés. Promotions permanentes (3 produits achetés, un offert), profondeur des gammes, orientation vers la restauration rapide, espace de consommation sur place : la recette défie les crises.
Chaque entreprise déploie son identité et sa stratégie, ce qui continue d'alimenter le développement du segment, à la fois naissant et en pleine structuration. Marie Blachère, qualifiée de véritable "McDo du pain" par BFM TV, est devenue la troisième chaîne de restauration de France tout en conservant les marqueurs qui ont fait son succès, avec un discours porté sur le prix. Autre spécificité de l'enseigne originaire du Sud de la France, l'essentiel de son réseau est en succursale, alors que ses concurrents ont très tôt misé sur la franchise pour leur développement.

Connaissance du marché local, compétences en gestion, formation... la franchise s'impose en modèle

La franchise (ou chez certains la licence de marque, comme pour Maison Bécam) permet un partage des risques et une implication totale du partenaire local, qui maîtrise son environnement commercial et s'assure de la bonne tenue du point de vente. Elle ouvre également la boulangerie à de nouveaux profils, parfois éloignés de la panification : grâce à une formation accélérée fournie par le franchiseur, les chefs d'entreprise maîtrisent les fondamentaux qui leur permettront de gérer leurs équipes avec efficacité, tout en disposant des connaissances nécessaires pour contrôler la qualité du produit fini. Un effort de formation qu'ont bien intégré ces réseaux de néo-boulangerie : Ange disposera d'ici la fin de l'année de 4 écoles IDYIE à Aix-en-Provence, Lille, Paris et Bordeaux. Chez Maison Bécam, on mise historiquement sur la transmission et l'apprentissage, ce qui fait de l'entreprise le plus grand acteur de la formation en alternance des Pays de la Loire. Sophie Lebreuilly vient d'annoncer le lancement de son académie, dont la première promotion débutera le 3 avril 2023 avec 10 apprenants, qui découvriront le métier de pâtissier pendant 12 semaines au sein du laboratoire d'Etaples (62).

Au delà du Salon de la Franchise, de nouveaux évènements dédiés aux entrepreneurs en boulangerie se développent, à l'image du Salon de la Boulangerie en Réseaux, organisé mi-novembre 2022 à l'initiative de la Minoterie Girardeau, Menlog et Disgroup en plein coeur du MIN de Rungis. Cette néo-boulangerie se distingue en effet par ses codes et ses méthodes, bien distincts des habitudes développées par les entreprises indépendantes : il se s'agit plus uniquement de proposer de bons produits mais de garantir la performance de la structure en se reposant sur des outils fiables. Le digital est placé au coeur de leur stratégie, avec la mise en place de dispositifs tels que des ERP, des programmes de fidélité dématérialisés... leur permettant de suivre leur activité en temps réel et de mieux connaître leurs clients. Avec la montée en puissance des outils d'Intelligence Artificielle (IA), les réseaux devraient compter parmi les premiers à transformer leurs habitudes afin d'en tirer les importants bénéfices en terme d'efficacité et de rationalisation.

Un secteur jeune et en pleine structuration

InVivo-Teract a bousculé le segment en réalisant l'acquisition de l'enseigne Louise fin 2022. Autre élément poussant à la consolidation des réseaux, les rumeurs de mise en vente de Marie Blachère à l'hiver de la même année. Offrant de belles perspectives de rentabilité ainsi qu'une image positive, la néo-boulangerie attire les investisseurs. Maison Bécam a ainsi pu réaliser un nouveau tour de table de 2,5 millions d'euros pour accélérer son développement et viser les 50 unités à moyen terme. D'autres opérations sont à prévoir à l'avenir : même si le secteur demeure jeune, les effets de la conjoncture et la concurrence féroce pourront fragiliser certains acteurs... de plus, il semble difficilement envisageable de développer le marché à l'infini : non seulement la consommation de pain est en berne (avec moins de 100g par jour et par personne), mais les clients comptent leurs dépenses.

L'enjeu est à présent de se différencier encore plus nettement de la concurrence : cela passe notamment par des engagements qualité puissants, comme l'utilisation de matières premières issues de filières vertueuses (CRC et Agri-Ethique chez Ange, Bio et CRC chez Maison Bécam, ...). Louise pourra capitaliser sur l'intégration verticale mise au point par son actionnaire : en maitrisant le chemin allant du grain au pain, l'enseigne ambitionne de commercialiser rapidement une baguette "décarbonée".
Au delà des produits de boulangerie, il s'agit d'investir dans la formation et les outils de production pour garantir les standards des gammes de viennoiserie ou de pâtisserie dans l'ensemble des points de vente. Tandis que certains ont fait le choix historique de reposer sur des partenaires industriels pour y parvenir, des marques telles que Feuillette, Maison Bécam ou Sophie Lebreuilly mettent en avant leurs laborataires internes et le savoir-faire qui s'y transmet pour offrir à leurs franchisés et clients finaux une expérience singulière.
Leur capacité à se positionner sur les nouvelles habitudes de consommation sera également déterminante pour assurer la pérennité du développement. Land&Monkeys, créée par le boulanger Rodolphe Landemaine, ambitionne de devenir la référence d'une boulangerie 100% végétale mais néanmoins gourmande. Avec 6 adresses (dont 1 franchisée) à Paris et en proche banlieue, l'enseigne peut compter sur l'attrait croissant pour les produits vegan afin de se développer. Sa présence au Salon de la Franchise témoigne des ambitions de la marque.

La bataille boulangère aura-t-elle lieu au coeur des villes ?

Après avoir basé leur développement sur de larges superficies et des emplacements en périphérie, les réseaux de néo-boulangerie pourraient à présent s'installer en concurrence frontale des artisans traditionnels, en plein coeur des villes. La multiplication des formats est en effet un nouveau relai de croissance, déjà engagé par Marie Blachère avec ses points de vente Café de Marie, implantés dans des gares à Colombes (92), Juvisy-sur-Orge (92) ou Le Havre (76). Ange suivra le même chemin en ouvrant son premier point de vente parisien d'ici la rentrée 2023. De quoi inspirer d'autres réseaux et renforcer l'activité de restauration de ces enseignes, particulièrement importante sur ces emplacements... emplacements qui se révèlent nombreux compte tenu de la forte vacance commerciale. Les difficultés rencontrées par les boulangers traditionnels pourrait renforcer cet axe de développement, la nature ayant horreur du vide.