FILIERE
Le pain, nouvelle cible des médias grand public
Trop salé ou calorique, peu nutritif, riche en additifs... Produit emblématique de l'alimentation française, le pain fait l'objet d'une attention toute particulière de la part des médias grand public ces dernières semaines, avec pour volonté de guider les consommateurs vers les produits qui seraient les plus respectueux de leur santé. Si l'intention pourrait paraître louable, elle participe à créer le doute vis à vis des produits, tout en comparant des références très différentes par leur nature : une baguette fabriquée en industrie peut ainsi être traitée de la même façon qu'une fabrication artisanale, où le caractère humain du processus fait naturellement varier ses qualités en fonction du respect de la recette et du savoir-faire du boulanger.
Le caractère sain du pain remis en question
Après avoir pointé du doigt le gluten, une nouvelle approche se dessine à présent. Le magazine 60 millions de consommateurs avait commencé l'année en proposant un dossier consacré au pain en détaillant la "guerre des baguettes" qui s'opérerait au sein de la "jungle des boulangeries". Des résidus de substances toxiques, un taux de sel élevé, une tarification jugée trop élevée... la présentation de la filière faite par ce titre reconnu de la presse grand public n'avait rien d'attirant, et elle finissait par établir la supériorité de la grande distribution et des chaines de boulangerie par leur capacité à proposer un pain qui correspondrait mieux aux standards nutritionnels de l'époque. Plus récemment, c'est l'association UFC Que Chosir qui s'est livrée à l'exercice, avec une méthodologie tout aussi surprenante : quatre enseignes comparées, avec des identités très différentes. D'un côté des réseaux où le pain est fabriqué sur place, de l'autre des terminaux de cuisson. Pourtant, les pains sont, là encore, traités de la même façon.
UFC Que Choisir va plus loin : face au manque de transparence sur les recettes proposées en boulangerie artisanale, il serait préférable de se tourner... vers des produits standardisés, avec un étiquetage précis « vous achetez peut-être tous les matins ou tous les soirs, depuis des années, chez votre boulanger, une baguette au nutri-score D et saupoudrée d’additifs. De la malbouffe, en somme ». La description renforce le doute et la défiance vis à vis de l'artisan boulanger, comme cela a pu être le cas dans le récent reportage de l'émission Zone Interdite sur M6. Ainsi, il faudrait rendre l'indication du Nutri-Score obligatoire, de même que le détail de la liste d'ingrédients. En l'absence de tels éléments, le client devrait ainsi « éviter la baguette blanche, privilégier les pains à la farine complète (de préférence bio, pour échapper aux résidus de pesticides)... ». De quoi disqualifier une grande partie de l'offre boulangère, alors même que sa diversité n'a jamais été aussi importante grâce à l'incorporation de nouvelles céréales et au regain d'intérêt porté par la profession vis à vis du travail au levain naturel.
Accentuer la transparence
La récurrence de ces sujets doit inévitablement générer une réaction de la profession. Si son manque de transparence lui est reproché, elle pourrait ainsi s'orienter vers une meilleure communication sur ses engagements et ses recettes : sans aller jusqu'à la mise en place du Nutri-Score en artisanat, qui serait particulièrement complexe pour des artisans, un effort de pédagogie sur les procédés de pétrissage ou de fermentation, la composition et l'origine des farines... participerait à garantir la confiance du client. L'artisan n'est pas le seul à devoir y participer : c'est une logique de filière où les meuniers ont un rôle à jouer pour mieux expliquer leur travail d'assemblage de variétés, tout en oeuvrant de concert avec le monde agricole pour améliorer les pratiques de culture et de stockage du grain (développement des filières vertueuses (CRC, Label Rouge, Bio, ...), stockage du grain sans insecticide, ...). Pour la Fête du Pain 2023, la Confédération Nationale de la Boulangerie Pâtisserie Française (CNBPF) a invité les boulangers à ouvrir leurs fournils. Une première étape pour accompagner la filière dans une nouvelle relation avec son environnement, où elle reprendrait la parole pour raconter toutes les belles histoires qu'elle vit au quotidien.