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Les dangers d'un service meunier différencié en fonction des artisans et régions
Peut-on encore considérer que les artisans boulangers du Nord de la France sont condamnés à fabriquer des pains blancs et volumineux, ou bien que leurs collègues situés à l'extrème opposé du territoire se soucient peu de la qualité de leurs fabrications ? Non seulement l'évolution de l'offre dans ces territoires (à l'image de Marseille, où les boulangers travaillant des farines brutes et du levain naturel sont toujours plus nombreux) donne tort à une telle vision du marché, mais l'accroissement des difficultés rencontrées par des centaines d'artisans français rend indispensable une accélération de la transformation des méthodes et recettes pour les reconnecter avec les enjeux et attentes de l'époque.
Malgré ce constat, le discours et l'accompagnement présentés par les acteurs meuniers peut encore grandement varier d'un boulanger à l'autre, ou selon les zones géographiques. Pour justifier ces pratiques, ces partenaires majeurs de la filière mettent en avant le niveau de compétence variable entretenu par les artisans, ainsi qu'une la culture panaire locale peu portée sur la qualité du produit mais plutôt sur son prix. Des arguments qui, même s'ils reposent sur des constats objectifs réalisés sur le terrain, posent question : la meunerie française a, ces dernières années, massivement pris le tournant du service et de l'accompagnement. Ecoles, académies, stages, ... autant de dénominations devant témoigner d'une volonté de participer à la montée en compétence des artisans mais qui, faute d'une stratégie cohérente, se cantonnent à être des outils de la relation commerciale entre un client et son fournisseur. Même si tous les boulangers ne disposent pas du même bagage technique, la formation devrait leur permettre de s'émanciper et de faire évoluer leurs gammes. Une évolution impossible à mener s'ils sont systématiquement orientés vers des farines composées et préparations prêtes à l'emploi qui, même si elles ont participé au renouveau de la boulangerie française dans les années 1990, ne répondent plus aux exigeances de la clientèle en terme de saveur, conservation ou même de qualité nutritionnelle.
Les évolutions à venir de la boulangerie française devraient achever de convaincre l'ensemble des acteurs engagés aux côtés de l'artisanat d'adopter une ligne de conduite claire et progressiste, impliquant autant les équipes commerciales que techniques : si cela représente des investissements (notamment en terme de masse salariale) à court terme, les bénéfices se dessineront de par la capacité des boulangers à faire face à une concurrence dynamique, en misant sur des produits riches en savoir-faire, issus de filière vertueuses et aptes à générer de la différenciation. Une logique qui concerne l'ensemble du territoire, du Nord au Sud, tout autant que les multiples profils d'artisans présents dans la profession.