Frédéric Lalos, MOF Boulanger
Le bon pain, un des seuls produits de luxe pour tous !
Meilleur Ouvrier de France boulanger 1997, Frédéric Lalos a fondé les boulangeries « Le Quartier du Pain » à Paris. Aujourd’hui, ce professionnel reconnu possède six boutiques dont la dernière a été inaugurée 22 rue des Belles feuilles à Paris 16e en 2012.
Dans vos boulangeries tout est-il fait-maison ?
« Il n’y a que deux produits que je ne fais pas sur place : les macarons et les cannelés bordelais. Mais pour les produits de boulangerie, de viennoiserie et de pâtisserie, tout est fait ici ! »
Est-ce un argument de vente ?
« C’est pour moi tellement évident que je ne le fais pas savoir suffisamment. Faire soi-même et faire du bon, c’est l’essence de ce métier. Au-delà de la qualité, le fait maison, c’est aussi l’autonomie. Quoiqu’il arrive, on est autonome dans sa production. Le coût des salariés et la difficulté de recruter font que le non fait-maison est une tentation forte. Fabriquer du fait-maison n’a pas de répercussion sur les prix. Nous sommes sur des produits quotidiens, que le client doit pouvoir acheter tous les jours. De plus, le croissant ou la baguette sont des produits qui ont un référentiel fort : n’importe qui sait combien ça coûte ».
Avez-vous enregistré une demande de « fait-maison » ?
« Je note un vrai retour sur le bon pain. Le bon pain est encore l’un des seuls produits de luxe que tout le monde peut s’acheter et qui reste accessible. Après, comme pour beaucoup de personnes, les fins de mois se jouent à moins de 50 euros. Il faut aussi faire attention au prix sur les produits comme le pain qu’on achète tous les jours ».
Ressentez-vous la crise dans votre profession ?
« Oui. Dans les quantités par exemple la galette des Rois de cette année s’est vendue beaucoup plus en quatre parts qu’en six parts. La qualité est toujours autant recherchée, donc on réduit les portions ».
Comment innovez-vous dans vos boutiques ?
« Tous les mois, nous proposons un nouveau pain. Tous les deux mois, une nouvelle viennoiserie et tous les trois mois une nouvelle quiche ou un nouveau sandwich. Nos gammes évoluent et c’est d’ailleurs le propre de la tendance fait maison : le changement, la créativité, qui va attiser la curiosité des gens ».
Pourquoi avez-vous un partenariat avec un industriel de la boulangerie ?
« Je veux que le pain soit bon partout. Qu’on soit dans l’avion, au restaurant ou à l’étranger, il n’y a pas toujours la possibilité pour le restaurateur ou l’entreprise de se procurer un pain de qualité. Or, ce type de partenariat est là pour pallier cette demande. Je milite pour la qualité du pain français en France et partout dans le monde. Le pain est un élément essentiel de la gastronomie de notre pays et ce partenariat apporte sa pierre au rayonnement de la gastronomie française ».
Est-ce qu’il faut aller plus loin dans label d’artisan boulanger ?
« Ce label ne concerne que le pain mais on pourrait aussi l’étendre à la viennoiserie par exemple. Et souhaiter que certains produits ne puissent pas sortir avant une certaine date, comme la galette des Rois : bientôt elle sera disponible fin novembre, ça n’a pas de sens ! »
De quoi souffre la profession aujourd’hui ?
« Nous avons un gros problème de main d’œuvre. D’abord, il est difficile de trouver du personnel qualifié qui s’adapte à votre entreprise et ensuite il est compliqué de le garder. Nous faisons des métiers durs, avec des horaires difficiles et il faut des gens passionnés, qui ont le plaisir de fabriquer des vrais produits. Or, les charges sur le personnel, et la rigidité du cadre législatif sur les horaires notamment ne nous aident pas. C’est pourquoi la contrainte économique dirige souvent les choix des boulangers à ne plus faire eux-mêmes leurs viennoiseries et leurs pâtisseries ».
Que faut-il faire pour susciter des vocations ?
« Il faut dire et redire au grand public que nous faisons un métier formidable, qui embauche immédiatement et où il y a de l’emploi, quel que soit le niveau de qualification. C’est une profession où l’on aime les produits que l’on fabrique et où, si l’on travaille dur, on devient son propre patron et on réussit financièrement. Quel métier peut garantir cela aujourd’hui ? »