VIE DE FILIÈRE
Féminisation du métier : des forces vives à (mieux) soigner
Sur l’année scolaire 2022-2023, plus de 53 % des apprentis pâtissiers étaient des apprenties (44 % en 2018-2019). Cette arrivée massive dans les laboratoires participe à créer des entreprises plus équilibrées, plus diversifiées… mais pas encore tout à fait adaptées.
La part des apprenties en formation dans les métiers de bouche a quasiment doublé cette dernière décennie (de 15 à 25 %). Des chiffres qui prouvent le chemin parcouru en la matière mais qui pointent également les manquements en termes d’insertion.
Le choix de se tourner vers ces métiers traditionnellement masculins est pourtant basé sur des aspirations profondes, voire un rêve d’enfant pour beaucoup de ces jeunes femmes. Pourtant, ces vocations sont (trop) régulièrement mises de côté du fait de leurs bons résultats scolaires et des modes de pensée réservant les métiers physiques et manuels à la gent masculine.
Les bonnes élèves sont contraintes à renoncer à leurs voeux d’orientation vers un CAP en apprentissage, la voie générale semblant encore trop souvent la seule option raisonnable pour le corps enseignant. Cela contribue à retarder leur intégration dans les filières professionnelles après avoir perdu parfois plusieurs années dans le système universitaire avant une réorientation vers un CFA. Résultats : les apprenties sont plus âgées (seules 39 % sont mineures contre 50 % chez les hommes).
Des réticences du monde professionnel
Côté entreprises, la situation n’est guère plus encourageante : la recherche d’une entreprise d’accueil pour effectuer leur apprentissage est particulièrement longue pour ces jeunes filles, notamment dans la boulangerie-pâtisserie. 42 % passent plus d’un mois dans cette quête et un quart d’entre elles ont dû solliciter plus de dix entreprises avant de trouver une structure d’accueil (contre 13 % seulement pour les hommes), et ce malgré la pénurie de main-d’oeuvre déplorée par grand nombre d’artisans.
Un obstacle qui s’explique notamment par le manque d’expérience et les réticences des entreprises en la matière : de nombreux dirigeants préfèrent refuser leur candidature sans même s’interroger ce que cela pourrait apporter de positif à leur équipe.
Maturité, ponctualité, calme, sérieux, habileté, précision… sont pourtant des qualités indéniables, recherchées dans les métiers de bouche, et – au diable les stéréotypes – souvent l’apanage du sexe dit « faible ». Non seulement un effort de pédagogie doit être accru pour renforcer l’intégration des apprenties dans les boulangeries-pâtisseries mais un travail d’adaptation est également nécessaire pour rendre les fournils et laboratoires accessibles à tous les publics, avec une ergonomie soignée et une réduction des ports de charge… Lueur d’espoir : les nouvelles générations de chefs d’entreprise se montrent généralement plus ouvertes au changement et à l’intégration de la diversité au sein de leurs structures.
Une remise en question profonde
L’adaptation n’est pas seulement d’ordre matérielle ou physique : le mode d’organisation du travail doit également être remis en question. Pour fidéliser durablement les femmes au sein de l’artisanat, les entreprises devront être en mesure de leur offrir des horaires permettant de concilier vie professionnelle et vie personnelle. À défaut de résoudre ces problématiques, le public féminin peut être amené à se tourner vers des alternatives garantissant des horaires fixes et un cadre de travail moins contraignant, comme la grande distribution ou l’enseignement dans les centres de formation. Un véritable constat d’échec pour des filières où chaque bras compte… mais autant de perspectives de progrès pour les années à venir.
Sources : Observatoire des Métiers de l’alimentation en détail d’avril 2023 et Baromètre ISM-MAAF sur l’apprentissage dans l’Artisanat pour l’année 2022-2023 de septembre 2024.